lundi 30 novembre 2009

Signature de G. Vervisch à la librairie Le grand cercle

Samedi 5 décembre

de 14h00 à 18h00





C'est où?
C.C. Art de Vivre
95610 ERAGNY sur Oise

Réferundum contre les minarets : la Suisse lave plus blanc


- Qui a inventé les bonbons Ricola?
- La Suisse...
Mais la Suisse a surtout inventé la neutralité, paraît-il, c'est-à-dire, le refus de s'engager dans un quelconque conflit, auprès de tel ou tel pays. On ne choisit aucun camp pour éviter la guerre. Du coup, on ne fait pas de discrimination entre les différents clients désireux de déposer un petit capital en banque. Et tant pis s'il s'agit de biens et d'argents spoliés par les nazis aux juifs, alors même qu'on leur demandait de les laisser aux portes des chambres à gaz. C'est sans doute cette neutralité qui explique le fait que la Suisse ait longtemps refusé que les Alliés cherchent les biens juifs volés par les nazis et déposés sur son territoire: comme on l'a dit, on ne soutient aucun camp, qu'il s'agisse des "Alliés" ou des "Axés". C'est ça, la neutralité?

D'abord, on rappellera que la neutralité est une illusion, voire un mensonge: quand on accepte les dépôts d'argent volé par des nazis, on n'est pas neutre, on s'engage: on accepte et l'on cautionne les crimes perpétrés par les nazis, en montrant que "bien mal acquis profite". C'est ainsi que Jean Ziegler, lui-même suisse, diplomate et écrivain, a montré dans La Suisse, l'or et les morts, que la neutralité de son pays revenait à financer la machine de guerre nazie.

Ensuite, il y a cette interdiction de construire des minarets, votée par référendum dimanche 29 novembre et qui montre que la neutralité a ses limites. L'argent n'a pas d'odeur, mais les musulmans, apparemment, oui. La neutralité suisse consiste à garder l'argent de tout le monde, mais sans voir personne. En bref, la neutralité n'existe pas: elle consiste à s'engager. Un ancien mythe judéo-chrétien (et oui, encore les juifs!) nous l'a enseigné il y a bien longtemps: c'est l'histoire de Ponce Pilate qui se lave les mains du sort de Jésus, qu'il accepte de remettre à la vindicte populaire. Quand on prétend ne pas s'engager, on s'engage, dans la mesure où ce choix aura des conséquences. On ne peut pas ne pas choisir.

- Qui a inventé la neutralité?
- La Suisse...

samedi 28 novembre 2009

Rouen magazine n°319


En cherchant un peu, on trouvera le Père Noël...

vendredi 27 novembre 2009

Rencontre avec Gilles Vervisch au Merle Moqueur

Dimanche 6 décembre 2009
à partir de 17 heures

autour du livre Comment ai-je pu croire au Père Noël?
(déjà best-seller dans le finistère!)

Pour parler de questions essentielles comme:

Comment ai-je pu croire au Père Noël?
Comment ai-je pu rester si longtemps avec un mec aussi con?
Comment être soi-même dans une soirée où on ne connaît personne?
Pourquoi mamie met-elle une casquette à son yorkshire?
Faut-il se fier à son GPS plutôt qu'à sa femme quand on se rend chez des amis?
Etc.

Librairie le Merle Moqueur
51 rue de Bagnolet
PARIS 20ème arr

Métro: Alexandre Dumas (ligne 2)

jeudi 26 novembre 2009

Assir

Assir v.tr. assoiver

Assir s'inscrit dignement dans la lignée des verbes alternatifs, comme croiver ou soyer, qui n'apportent aucune nuance de sens mais permettent de s'affranchir sans vergogne des pièges de la conjugaison. Mais il s'agit d'un cas assez particulier dans cette catégorie. En effet, assir ne s'utilise qu'à la deuxième personne du singulier de l'impératif. Pour les autres positions conjugatoires dans lesquelles il est difficile de s'asseoir, on préférera le synonyme assoiver. Et c'est bien compréhensible, car quitte à inventer un verbe pour se simplifier l'élocution, pourquoi s'escagasser à en prendre un du deuxième groupe plutôt que du premier ? Cependant, la raison pour laquelle les parle-petit choisissent assir plutôt qu'assoiver demeurent obscures... On pourrait imaginer que c'est par souci esthétique. En effet, un "Assis-toi" sonne tout de même plus joliment qu'un "Assoive-toi" (uniquement par comparaison, on est bien d'accord, hein...). Mais peut-on vraiment raisonnablement imaginer que les ceux-qui-croivent-qu'ils-soyent iraient s'embarrasser de soucis esthétiques lorsqu'ils logorrhent ? Foutre non ! Le mystère demeure donc intact.

Pour illustrer l'utilisation conjointe des deux verbes jumeaux assir et assoiver, une fois n'est pas coutume, je vais éhontément repomper un discours récemment rapporté par Charlie Grogne : "Bon, alors ceux qu'y z'ont pas mis leurs manteaux, ils s'assoivent. Oui c'est ça, assis-toi là." N'est-il point admirable d'avoir une langue assez riche pour se permettre d'utiliser ainsi deux variantes du même verbe à même pas dix mots d'écart ?

Pour conclure, rappelons qu'à la deuxième personne du pluriel de l'impératif, on ne dit pas "Assissez-vous" ni "Assoivez-vous", mais bien "Assoyez-vous". C'est malheureux, mais c'est ainsi. On a le droit, même si Robert trouve ça populaire. Mais ça ne m'empêchera pas de continuer à préférer "Asseyez-vous", plus correct, plus logique, et tellement plus élégant.

mardi 24 novembre 2009

La main de Thierry Henry: qu'est-ce qu'un arbitre? -2

Bien sûr, on peut toujours aboyer avec les chiens: dire que Thierry Henry est un tricheur, avouer que la France ne mérite pas sa qualification. Mais on peut aussi parler de l'arbitre. Non pas pour dire que c'est lui qui a fait une erreur, mais plutôt, pour expliquer l'issue paradoxale de ce match triché: l'arbitre a toujours raison, non pas parce qu'il a raison, mais parce qu'il est l'arbitre. Par suite, il est absurde de parler des erreurs de l'arbitre ou de la tricherie de Thierry Henry.
Qu'est-ce qu'un arbitre? C'est celui qui est désigné pour trancher le(s) litige(s) entre deux parties. En ce sens, le juge est l'arbitre qui doit trancher dans un procès opposant deux parties. On comprend sans doute l'intérêt qu'il y a à désigner un arbitre: si l'on attendait simplement que les deux parties se mettent d'accord, on pourrait attendre longtemps, pour la bonne raison qu'elle ne sont pas d'accord. C'est pourquoi on accepte de s'en remettre à la décision d'un tiers, dont on exige seulement qu'il soit impartial, neutre, c'est-à-dire qu'aucun intérêt ne le lie à une partie plutôt qu'à l'autre ("on ne peut pas être à la fois juge et partie"). Au football, par exemple, celui qui arbitre un match entre la France et l'Irlande doit être d'une nationalité différente de ces deux-là.
Conséquences? Thierry Henry n'a rien à se reprocher et c'est à peine si l'on peut dire qu'il a triché. Dans un procès judiciaire entre un plaignant et un défendeur, on n'aurait pas l'idée de reprocher à l'un et à l'autre d'avoir tout fait pour défendre ses intérêts. On admet même comme principe fondamental de la justice que tout homme à droit de se défendre et d'être défendu par un avocat. On ne lui demande pas de dire la vérité; on l'autorise, au contraire, à faire tout ce qu'il juge utile pour défendre ses intérêts. Après, c'est au juge d'évaluer la parole des uns et des autres, et de trancher. Et l'on n'aurait pas l'idée de reprocher au plaignant ou au défendeur la décision rendue par le tribunal. On ne peut s'en prendre qu'au juge: c'est lui qui a rendu la décision, et c'est à lui seul qu'on a donné toute l'autorité pour trancher. Il est donc absurde d'accuser Thierry Henry de tricherie. Il a tout fait pour donner un point à l'équipe de France, et si quelqu'un doit être tenu responsable de la victoire de la France, c'est l'arbitre. Certains disent qu'au foot, c'est l'arbitre qui marque les buts, en rigolant, mais au fond, c'est tout à fait vrai.
Alors, à mort l'arbitre? S'il n'y a pas de triche du joueur, il y a une erreur d'arbitrage? Non plus. Et ce, pour la même raison que la précédente: la décision appartient au seul arbitre. Bien entendu, on suppose que l'arbitre tranche et décide conformément à des règles qu'il doit appliquer: le juge du tribunal appuie ses décisions sur la loi juridique; l'arbitre de foot, sur les règles du jeu. Néanmoins, il faut admettre et accepter que sa décision est souveraine. C'est pour cette raison, d'ailleurs, qu'on n'a pas le droit de commenter une décision de justice. L'arbitre, c'est celui qui tranche, en dernier ressort.
C'est essentiel, parce que si les décisions de l'arbitre ou du juge étaient discutables, il faudrait un nouvel arbitre entre le juge et ceux qui discutent sa décision, etc. On n'en finirait jamais. On doit donc considérer que les décisions de l'arbitre sont indiscutables, parce qu'il arrive un moment où il faut bien que quelqu'un tranche, quels que soient les arguments, contestations ou réclamations des uns et des autres. Certes, il y a des règles au foot, comme il y a des lois juridiques. Mais s'il suffisait d'appliquer mécaniquement les lois dans un procès, il n'y aurait pas besoin de juge. Pourtant, on trouverait injuste que la même loi s'applique de la même manière à tous les cas particuliers: il y a toujours des circonstances particulières, des causes particulières, etc. Et c'est la raison pour laquelle on s'en remet au jugement d'un arbitre pour décider en quel sens et dans quelle mesure un cas particulier tombe sous le coup d'une loi générale. De la même manière, il n'est pas facile d'apprécier dans quelle mesure une main est une main; volontaire ou non? plutôt un coude qu'une main? etc. C'est pourquoi on s'en remet à un arbitre pour juger l'application des règles générales du football dans un match particulier.

Bien sûr, dans le cas de Thierry Henry, la main est incontestable, tout le monde l'a vue. Il n'empêche que ce match doit être jugé selon le même principe que tous les autres match: à la fin, c'est l'arbitre qui décide. Et tant pis s'il s'est mal ou pas conformé aux règles: le principe de base du foot, comme au tribunal, c'est que la décision appartient au seul arbitre, et à personne d'autre. Si on n'est pas content, on n'a qu'à changer les règles d'arbitrage du foot. En attendant, il n'y a aucune tricherie de Thierry Henry, ni aucune erreur de l'arbitre.

samedi 21 novembre 2009

Aphoner

Aphoner v. tr. ingurgiter d'une traite le contenu de préférence alcoolisé d'un contenant qui peut être un verre, mais pas forcément

Aphoner pourrait signifier : "couper le son de sa radio pour couper court aux cris stridents de Céline Dion". Ce serait élégant. Mais en fait non, c'est juste un truc d'étudiants alcooliques. On n'aphone pas une chanteuse, si exaspérante soit-elle (et là, il est légitime de se demander si Céline Dion eut été si omniprésente, et donc si exaspérante, si l'iceberg n'avait pas aphoné le Titanic...), on aphone un verre.

Verbe bien connu des étudiants Wallons et Bruxellois, aphoner (ou affoner) pourrait se traduire en français de France par le verbe qu'existe pas cusséquer. Sauf que cusséquer est un verbe qu'existe pas et qu'on n'utilise pas, alors qu'aphoner est un verbe qu'existe pas et qu'on utilise quand même (en tout cas en Wallonnie et à Bruxelles). Donc, on pourrait, mais on peut pas, car le DDMQEP(eqouqm) n'est pas là pour inventer des néologismes mais bien pour répertorier ceux qui existent déjà (enfin plus ou moins, ça dépend, y a pas non plus des règles hyper hyper strictes, hein...). Aphoner vient de l'expression à-fond, qui signifie "boire jusqu'au fond", qu'on peut traduire en français de France par cul-sec, qui signifie boire jusqu'à ce que le fond du verre soye sec.

mercredi 18 novembre 2009

Rencontre avec Gilles Vervisch à Chartres


A la librairie L'Esperluette
10 rue Noël Ballay
28000 CHARTRES


Le samedi 21 novembre de 15h à 18h


Comment ai-je pu croire au père Noël?
Pourquoi mamie met-elle un pull écossais et une casquette à son yorkshire?
Comment ai-je pu rester si longtemps avec un mec aussi con?

Dois-je aller voter dimanche, alors que ça ne sert à rien?

Et autres questions quotidiennes et amusantes qui sont autant d'occasion de soulever des problèmes philosophiques essentiels comme: les animaux ont-ils une raison? La passion peut-elle être une illusion? La démocratie est-elle le meilleur régime politique? Qui suis-je? Suis-je libre ou déterminé? Ou même, l'existence a-t-elle un sens?

dimanche 15 novembre 2009

Faucuterie

Faucuterie n.f. Tartuffisme (on entend aussi, plus rarement, fauculerie)

La faucuterie est le caractère de celui qui te fait croire qu'il est d'accord avec ce que tu dis, alors qu'en fait au mieux il s'en contrefout et au plus vraisemblable il pense exactement le contraire. Le fondement de son assentiment est factice. Il repose donc sur un faux-cul (plus classieusement appelé tournure).
La faucuterie trouve généralement sa source dans l'impression plus ou moins réfléchie qu'a le faux-cul qu'il pourrait tirer prestige, voire profit, de son allégeance simulée. Ainsi, certains esprits chagrins soupçonnent de façon parfois à peine couverte que Bernard Kouchner, lorsqu'il explique sereinement qu'il croit sans hésitation Notre Président lorsque celui-ci proclame sur Facebook qu'ayant senti tourner le vent de l'Histoire en se rasant le matin du 9 novembre 1989, il s'était téléporté illicco à Berlin pour être le premier à donner un coup de piolet dans le mur, fasse preuve de faucuterie. Mais ce ne sont là que racontars et calomnies.

mercredi 11 novembre 2009

Gougueuliser

v. tr - angl. Google 1998.

I 1. vx Chercher des informations sur quelqu'un (ou sur quelque chose), en écrivant son nom sur la barre de navigation du moteur de recherche Google.
Notons d'abord que la société Google semble avoir un tel monopole qu'on utilise le même verbe lorsqu'on fait une recherche sur d'autres moteurs. Par exemple, le verbe "yahooïser" n'existe pas, et on ne l'utilise pas.
Notons ensuite que le verbe s'applique plutôt à la recherche de personnes que de choses. "Elle m'a gougueulisé". Par suite, le verbe peut aussi signifier "espionner", "fouiner" pour tirer le maximum d'informations sur la vie de quelqu'un et son intimité même. L'apparition d'Internet et des réseaux sociaux a ainsi conduit les individus à révéler, de leur propre initiative, nombre d'informations personnelles les concernant, tout en s'insurgeant contre le fichage informatique de type EDVIGE, ce qui n'est pas très cohérent! Cependant, ce premier sens du verbe gougueuliser tend déjà à se perdre, alors qu'on rappellera 1) qu'il n'existe même pas encore dans le dictionnaire, 2) qu'il date, au mieux de 1998! Ainsi, c'est le sens dérivé et second qui tend à s'imposer.

2. DER Evaluer la célébrité de quelqu'un, en écrivant son nom sur la barre de navigation du moteur de recherche Google, pour voir quel est le nombre de pages relatives à cette personne. Plus y a de pages, plus elle est connue.

II SE GOUGUEULISER v. Pron. 1. PSYCHAN. Evaluer sa propre célébrité, en écrivant son nom sur la barre de navigation du moteur de recherche Google, pour voir quel est le nombre de pages relatives à soi-même. L'apparition combinée d'Internet et de la télé-réalité a conduit peu à peu les individus à faire reposer le sentiment de leur propre existence sur la connaissance, par les autres et le plus grand nombre, de tout ce qu'ils sont et de tout ce qu'ils font. Par suite, "se gougueuliser" devient une démarche assez commune, qui débouche bien souvent sur les listes de ses amis facebook. En même temps, il est inutile de se plaindre au sujet de l'espionnage informatique, quand on donne le fer pour se faire battre.

2. Chercher à se connaître soi-même...

CONTR.
être quelqu'un, exister par soi-même.

lundi 9 novembre 2009

Dédicace à la FNAC de Limoges


Samedi 14 novembre A partir de 15 heures (et sans doute jusqu'à 19 heures)
C'est Limoges...mais c'est la fnac! Si vous êtes dans le coin, ou plutôt dans le centre (on ne sait jamais), n'hésitez pas!


FNAC

8, rue Combes
87000 LIMOGES

Après y a toujours Lorie qui dédicace le samedi suivant, si vous préférez mieux...



samedi 7 novembre 2009

Lévi-Strauss (1908-2009) n’était donc pas seulement une marque de jeans !

Bien que la mort de Lévi-Strauss ait fait moins de bruit que celle de Mickael Jackson, on admettra qu'elle a quand même suscité bien plus de commentaires que celle de Filip Nikolic, chanteur des 2be3 (en même temps…). Mieux encore, elle a donné lieu à plus d’émissions spéciales que la mort de Thierry Gilardi, à laquelle, tout compte fait, seul le Grand Journal de Canal+ a cru bon de consacrer une émission entière, en repassant « les meilleurs commentaires de matchs de Thierry ». Quoiqu’il en soit, les différents hommages médiatiques auront au moins permis d’apprendre que Lévi-Strauss n’est pas seulement une marque de jeans, contrairement à ce que pensaient la plupart des gens avant la mort de l’ethnologue.
Alors, c’est qui ce Lévi-Strauss que tous les journalistes ont qualifié de « dernier géant de la pensée du xxème siècle » ? Et c’est quoi ce « structuralisme » auquel on a tant fait référence ?

§1. Sommes-nous libres ? On aura sans doute entendu dire que Lévi-Strauss était au cœur des grands débats intellectuels du xxème siècle, comme il n’en existe plus aujourd’hui. Jean-Paul Sartre, en particulier, s’opposait au courant « structuraliste » auquel appartenait Lévi-Strauss. Pourquoi ? Parce que Sartre soutient l’idée selon laquelle chaque homme est libre et responsable de ses actes. Une affirmation qui permet de mettre en défaut tous ceux qui cherchent à excuser leurs crimes en prétendant avoir obéi aux ordres ou aux lois, comme les nazis ou les collaborateurs de la France de Vichy. D’ailleurs, chacun d’entre nous a bien le sentiment d’être libre: le cours de ma vie est le résultat des choix tout à fait personnels que je fais et qui ne regardent que moi : on choisit telle filière au lycée, on s’oriente vers tel métier ; on tombe amoureux de telle fille « parce que c’était elle, parce que c’était moi ». Et si l’on peut se plaindre d’avoir à obéir à la morale ou aux lois, on croit savoir pourquoi : c’est mal de tuer, les hommes doivent être libres et égaux, etc.

§2. Mais si l’on gratte un peu, on se rend compte que la plupart de nos opinions nous viennent d’on-ne-sait-où; on ne sait pas trop pourquoi on pense ce qu’on pense. On nous a toujours appris qu’il fallait faire ceci et ne pas faire cela, mais au fond, on ne sait pas bien pourquoi ça c’est bien et ça c’est mal. Alors, on obéit, simplement parce que c’est la règle. Ainsi, on semble moins libre qu’on ne le croyait d’abord, en découvrant que nous nous contentons de nous conformer à des conventions sociales sur lesquelles on ne s’est jamais vraiment interrogé (1). Et le sociologue finit par nous apprendre que les grandes décisions de notre vie qui nous paraissaient si intimes et si personnelles, correspondent à une norme statistique. Il y a des saisons pendant lesquelles « on » fait des enfants, d’autres pendant lesquelles « on » se marie ; et les fils d’ouvriers s’orientent vers certains métiers différents ces enfants de classe moyenne. Même le suicide qui pourrait apparaître comme l’acte le plus inexplicable, semble pouvoir s’expliquer par des causes sociales (2).

§3. Ainsi, les sciences humaines du xxème siècle tendent à montrer qu’on est le produit d’une société . C’est d’abord ce que signifie la « structure » du structuralisme : nous ne sommes pas des individus, des "atomes" indépendants les uns des autres, dont le comportement de chacun pourrait s’expliquer par lui-même. Nous sommes chacun les éléments d’un système social, d’une structure qui définissent nos pensées et nos actes. En fait, nous nous croyons libres un peu comme si chaque rouage d’une horloge croyait se mouvoir et tourner par lui-même parce qu’il le veut (3), alors qu’il est mis en mouvement par un autre rouage, lui-même mis en mouvement par un autre, etc. Et les mouvements de tous ces rouages s’expliquent à partir de l’ensemble auquel ils appartiennent, à savoir l’horloge. Du coup, si l’on veut comprendre pourquoi tel rouage de l’horloge est placé ici plutôt que là, et tourne dans un sens plutôt que dans un autre, il faut partir de l’ensemble du système ; autrement dit, savoir comment et pourquoi une horloge fonctionne. Il serait bien idiot celui qui se demanderait simplement : « qu’est-ce qui lui prend à c't engrenage ? Pourquoi a-t-il décidé de tourner ? »

§4. C’est ainsi que Lévi-Strauss entend faire de l'ethnologie. Qu’est-ce que l’ethnologie ? C’est l’étude de la culture ou plutôt, des cultures propres à chaque société. En général, les ethnologues sont plutôt des scientifiques du monde occidental ou « développé » qui étudient la culture de sociétés différentes de la leur, et notamment celles qu’on dit « primitives ». D’ailleurs, ce sont surtout les tribus Indiennes d’Amérique que Lévi-Strauss a étudiées, aussi bien dans ses voyages que dans ses livres. Des sociétés qu’on imagine « moins développées » que la nôtre: ignorantes, alors que nous disposons du savoir scientifique; qui pratiquent la magie, alors que nous pratiquons la médecine; vivant nus dans la forêt, alors que nous vivons habillés en ville.

§5. Quant au « structuralisme », c’est la méthode utilisée et revendiquée par Lévi-Strauss pour étudier ces sociétés afin d’éviter les erreurs ou les échecs de ses prédécesseurs comme Boas ou Malinowski. Pour faire court, deux obstacles se présentent à l’ethnologue : d’abord, le risque d’expliquer l’esprit et les coutumes d’une société différente de la sienne, à partir de la culture de sa propre société. En bref, l'ehnologue a tendance à transposer les valeurs de sa propre culture pour en comprendre une autre, si bien qu’il n’y comprend rien et fausse tout (Malinowski). Ensuite, quand bien même on voudrait éviter ces préjugés, il paraît impossible de comprendre une société qui n’est pas la sienne, dans la mesure où cela demande de connaître tous les éléments qui la composent (religion, mœurs, lois, etc.), d’en dégager le pourquoi, la raison d’être, ce qui suppose de retracer l’histoire de cette société. Tache infinie et d’autant plus dure quand il s’agit d’une société sans écrit (Boas). Quelle est donc la solution du « géant » Lévi-Strauss ?

§6. Pour le comprendre, il faut remonter aux influences que l’ethnologue avoue lui-même avoir subies, à commencer par celle de la psychanalyse de Freud. En effet, elle nous montre que certains de nos actes ou de nos pensées s’expliquent par notre Inconscient, que chacun peut apercevoir dans ses rêves. Parfois, nos rêves nous paraissent dénués de sens : « pourquoi ai-je donc rêvé que je faisais l’amour avec Nicolas Sarkozy ? » N’importe quoi ! Ou encore, pourquoi ai-je oublié mes clés chez cette jeune femme ? Freud nous dit que tout cela n’est pas dénué de sens, mais manifeste des pensées ou des désirs inconscients, c’est-à-dire qu’on ignore soi-même. Ainsi, Lévi-Strauss définit l’ethnologie de la même manière : elle a pour but de retrouver les raisons inconscientes qui expliquent les différents éléments d'une culture. Mais ces raisons ne sont pas à trouver dans l’Inconscient de chaque individu !

§7. Pour Lévi-Strauss, les raisons inconscientes qui expliquent les croyances et pratiques des différentes sociétés se présentent sous la forme de structures, que l'ethnologue se propose de découvrir et de révéler. Cette idée lui a été inspirée par la linguistique contemporaine, qui est parvenue à montrer que derrière la diversité des langues, il y avait en fait des structures ou logiques du langage qui sont à peu près les mêmes. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y a pas une infinité de manières de produire des sons et de les articuler entre eux. C’est ainsi que les problèmes de l’ethnologie semblent réglés : plutôt que de chercher à décrire et à connaître toutes les cultures humaines pour faire une impossible revue de ce que peut être une société humaine, on cherchera les structures communes inconscientes qui se retrouvent dans toutes les cultures, qu’on les disent primitives ou développées.

Conclusion ? On peut rejeter le structuralisme parce qu’il remet en cause l’idée selon laquelle l’homme est libre. Pour une science humaine, chaque individu semble être le jouet, l’élément de structures sociales qui lui échappent, tout comme le français qui parle utilise des mots qu’il n’a pas choisis. Mais, comme on l’a entendu dire à la télé, l’œuvre de Lévi-Strauss permet de remettre en cause aussi et surtout, toute pensée raciste, xénophobe et toute idée que les cultures différentes de la mienne sont inhumaines, sous-développées, etc. Si les structures sont toujours les mêmes, c’est bien qu’une seule humanité s’organise partout et toujours à travers toutes les sociétés quelle qu’elle soit. L’autre, quelles que soient ses différences, est toujours mon semblable. Cette idée, on la trouvera particulièrement bien exprimée dans le texte sans doute le plus court, le plus important et en même temps, le plus facile à lire de Lévi-Strauss : Race et Histoire. Commencez donc par lire ça, avant de vous lancer dans Tristes Tropiques ou les deux volumes de l’anthropologie structurale.

(1) On en parle un peu plus dans le Comment ai-je pu croire au Père Noël?, ch 4.

(2) Voir l'étude d'Emile Durkheim, un des pères de la sociologie, auquel Lévi-Strauss se réfère volontier, dans Le suicide, "Quadrige", PUF, 1995.

(3) Cette idée d'une illusion de la liberté est une thèse bien montrée et connue chez Spinoza, sauf qu'il parle d'une pierre, plutôt que des rouages d'une horloge. Voir notamment "Lettre LVIII" (à Schuller), in Spinoza, Oeuvres 4, GF-Flammarion, 1966.

jeudi 5 novembre 2009

Hunhans

Hunhans n.m.pl. 365 jours depuis le début

Lorsqu'un évènement s'est produit il y a cent ans, on fête son centenaire. Lorsqu'un évènement s'est produit dix fois plus récemment, on fête ses dix ans. Lorsqu'un évènement s'est produit il y a deux ans, on fête... ses deux ans. Lorsqu'un évènement s'est produit il y a 365 jours, on fête son premier anniversaire. Ou ses hunhans. Hier par exemple, les journalistes n'ont pas manqué de célébrer les hunhans de l'élection de Barack Obama. Ils auraient pu parler du premier anniversaire de l'évènement, mais non, ils ont bien parlé de ses hunhans. Ses un an, ça ne fonctionne pas, parce qu'après ses il faudrait que an soit au pluriel, ses un ans non plus, parce que s'il n'y en a qu'un, il n'y a aucune raison de mettre an au pluriel, son un an ça ferait bizarre, donc il s'agit bien des hunhans qu'il convient de fêter.

On notera qu'un mot qu'existe pas (et qu'on utilise quand même) construit sur le même principe est tombé en désuétude. Il n'était pas rare au siècle dernier d'entendre quelqu'un avec qui l'on était en légère situation de dette réclamer ses hunfrans. Ce mot qu'existe pas a été supplanté par huneuros, preuve s'il en fallait de l'augmentation du coût de la vie.

Comment ai-je pu croire au Père Noël?

Disponible dans toutes les librairies

Comment être soi-même dans une soirée où l’on ne connaît personne ?
(Le moi existe-t-il ?)

Pourquoi Mamie met-elle une casquette et un pull écossais à son yorkshire ?
(Les animaux ont-ils une raison ?)

Comment ai-je pu rester si longtemps avec un mec aussi con ?
(Ne désirons-nous que des choses que nous estimons bonnes ?)

Dans cet ouvrage, nous espérons montrer que la philosophie n’a rien d’ennuyeux, elle permet de comprendre de manière simple des choses complexes, et n’est jamais éloignée de la vie quotidienne. Elle parle à tout le monde. Elle parle de chacun.


mardi 3 novembre 2009

Nirvãter

V. intr. - 2 nov. 2009; contraction mal expliquée du sanskr. nirvana "extinction", et du lat. vadere "aller".

Prendre un rendez-vous chez le médecin après avoir été guéri d'un cancer, apparemment...

"Y a pas que le moment du diagnostic qu'est dur: quand on nirvãt et qu'on pense que tout va bien et qu'on attend le verdict..." (N. Sarkozy, discours sur le plan cancer II, Marseille, 2 novembre 2009, 28'54'').

Ainsi, si l'on prend un rendez-vous chez le médecin sans jamais avoir eu de cancer, on dira: "prendre rdv chez le médecin". Si on prend un rendez-vous chez le médecin alors qu'on est encore atteint d'un cancer, on dira: "prendre rdv chez le médecin", c'est-à-dire la même chose. En revanche, si l'on a été guéri d'un cancer, on dira: "nirvãter".

La conjugaison est mal connue. Sans doute est-elle de la forme: je nirvã, tu nirvãs, il nirvãt, etc. Surtout, on ignore pourquoi il faudrait dire autre chose que "prendre un rendez-vous chez le médecin pour la seule raison qu' a été guéri d'un cancer. L'origine étymologique sanskrit nous le révèle sans doute un petit peu: le nirvãna signifiant "l'extinction". Il s'agit sans doute de l'extinction de la maladie qu'on espère ne pas voir revenir. Et c'est sûrement ça, "qu'est dur"!