mardi 26 octobre 2010

Dilemne

Dilemne n.m. Situation dans laquelle on est tellement tiraillé entre deux options contradictoires qu'on en oublie comment le mot décrivant cette situation s'écrit réellement.

Dilemme venant du bas-latin dilemma, lui-même issu d'un mot grec qui en alphabet normalement lisible se retranscrit dilêmma (c'est-à-dire exactement pareil avec juste un accent circonflexe histoire se la péter, on est helléniste ou on ne l'est pas), il est à peu près évident qu'il n'y a strictement aucune raison pour l'écrire dilemne plutôt que dilemme.

Il est donc légitime de se demander pourquoi beaucoup de gens (moi-même étant jeune j'étais persuadé qu'il y avait une erreur dans le titre de l'album du Scrameustache illustrant cette entrée du DDMQEP(eqouqm), mais il faut dire que j'étais, grâce à la lecture de Bob et Bobette, fortement sensibilisé aux fautes d'orthographe dans la bande dessinée, mais ceci est une autre histoire évoquée ici), pourquoi beaucoup de gens, donc, s'acharnent à préférer l'utilisation du mot qu'existe pas dilemne à celle du mot qu'existe dilemme. Vraisemblablement parce que c'est un mot compliqué (y a qu'à voir sa définition dans le Robert, qui lui propose comme synonyme l'incompréhensible expression syllogisme disjonctif), et qu'il est difficile d'admettre qu'un mot compliqué puisse s'écrire simplement. Vraisemblablement. Ou pas.

Ce qui est le plus amusant en fait avec dilemne, c'est qu'il est fort probable que ce mot qu'existe pas soit amené à tomber en désuétude rapidement au bénéfice de dilemme, depuis que l'année 2010 a vu ce mot devenir la proie des producteurs de télé-réalité (on se souviendra, de préférence pas, mais c'est une éventualité à craindre, de l'émission Dilemme de W9, ou des terrrribles dilemmes proposés par La Voix aux candidats de Secret Story 4). Il y a donc fort à parier que la génération des kikoolol essémessistes semi-cérébrés et partiellement analphabètes maîtrise mieux ce mot que les précédentes (mais, corollaire inévitable, qu'ils l'emploient à mauvais escient à tout bout de champ). N'est-ce pas cocasse ?

1 commentaire:

  1. La raison pour laquelle certains seraient tentés de dire "dilemne" vient sans doute simplement du fait que le mot a certains liens de parenté phonétique avec l'adjectif "indemne", à propos duquel on passe effectivement son temps à se demander s'il s'écrit avec 2M ou pas. Personnellement, je n'ai jamais été tenté de dire "dilemne", et mon inculture en matière de BD s'accorde donc très bien avec le fait que je n'ai pas à corriger mes fautes d'orthographe. Enfin, (comme je peux VRAIMENT me la péter, vu que j'ai fait 8 ans grec), ajoutons enfin le sens étymologique du terme en grec: un Lemme ou lêmme (ainsi accentué parce que c'est un êta ou "e" long qu'on écrit "η" et non pas un épsilon ou "e" court, normal, quoi, qu'on écrit plutôt "ε"); un lemme est donc une proposition ou une thèse dans un raisonnement. Par exemple, "tous les hommes sont mortels" est un "lêmma" et "Socrate est un homme" aussi. Le di-lêmma, quant à lui, est un argument opposant deux thèses contraires, sachant, évidemment, que les deux ne peuvent être vraies en même temps. Un genre de contradiction...à partir de là, on a même pu parler de "tri-lemme" pour désigner les arguments à 3 propositions, en particulier le fameux argument dominateur de DIODORE dont je parle dans la philo du foot. Le principe du trilemme étant que les 3 propositons ne peuvent être vraies en même temps.

    L'argument de Diodore sert à montrer qu'il y a un Destin; que le futur est déjà écrit; il consiste à dire que, logiquement, il faut renoncer à l'une des 3 propositions suivantes: 1/Toute proposition vraie concernant le passé est NéCESSAIRE (donc toute proposition fausse est impossible). Exemple: Ségolène Royale a été élue Président de la République en 2007. C'est faux et impossible, puisqu'on ne peut pas revenir sur le passé.
    2/Est POSSIBLE ce qui n'est pas actuellement vrai et ne le sera pas. Exemple: en 2012, François Bayrou sera élu Président de la République. C'est vrai, parce que c'est toujours possible à l'heure où nous sommes; bien qu'on se doute que ça n'arrivera pas quand même. L'idée étant que, contrairement au passé, le futur est possible; on peut encore le changer.
    3/L'IMPOSSIBLE ne suit pas logiquement du POSSIBLE. Autrement dit, si un événement est d'abord possible, il ne peut devenir impossible: s'il est toujours possible, aujourd'hui, que Bayrou soit élu Président, on ne pourra pas dire, après coup, quand DSK sera élu, que l'élection de Bayrou était impossible.

    En bref, un trilemme se résoud en choisissant 2 thèses sur les 3. On peut admettre n'importe quel couple de thèses de ce trilemme, mais jamais les trois.

    Pour la petite histoire, un autre trilemme célèbre est au coeur des débats sur l'existence du mal dans le monde (le mal, c'est-à-dire les épidémies de choléra à Haïti, les tsunami in Indonésie et l'existence de Christian Estrosi). Le fait qu'il y ait des souffrances a souvent été un argument contre l'existence de Dieu: si Dieu existait, il n'aurait pas permis cela. Pour résumer, on pose le tri-lemme suivant :

    1/Il y a du MAL dans le monde.
    2/Dieu est tout-Puissant.
    3/Dieu est bon.

    Essayez, et vous verrez: il faut toujours qu'une des trois thèses au moins soit fausse pour s'en sortir. à moins d'être athée, mais là, franchement, je ne peux pas vous sauver.

    (On parlait de quoi au départ?)

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