"Une des campagnes les plus laides que je
connaisse, c’est celle d’Orangina, avec ses couleurs criardes et ces animaux
monstrueux aux corps humanoïdes et très « sexualisés » :
l’ours qui se met du déodorant et la girafe qui étend son linge avec la lessive
Orangina, « naturellement ». Rien de naturel dans tout ça,
évidemment. Mais pourquoi montrer des images si repoussantes pour une
publicité ? Pourquoi créer le malaise quand le but est de donner au
consommateur l’envie d’acheter un
produit ? Bien sûr, c’est qu’on est parvenu au nec plus ultra de la publicité « conceptuelle » qui a
depuis longtemps dépassé la simple réclame, pour devenir œuvre d’art. (...) « Si les marques ne sont pas des produits mais des
idées, des attitudes, des valeurs et des expériences, pourquoi ne
pourraient-elles pas également constituer une culture ? »
C’est bien ce que montrent ces pubs où la bouteille d’Orangina peut tout aussi
bien devenir un déodorant pour les ours ou une lessive pour les girafes. Le
message est clair : je suis une marque tellement connue qu’il est inutile
de vous expliquer ce que je vends. D’ailleurs, je ne vends rien : je ne
suis pas une marchandise, je suis un « concept » ou une œuvre d’art.
Bref, « la marque se répand ».
Et en matière d’art, on a déjà vu bien pire dans la revendication d’une
esthétique du laid dérangeante : le baroque, le surréalisme ou les
tableaux torturés de Francis Bacon. Ce n’est pas beau, c’est monstrueux et
donc, magnifique. Cette campagne Orangina provoque bien ces sentiments par
lesquels Kant définissait le Sublime : « l’étonnement qui confine à l’effroi, l’horreur et le frisson sacré
qui saisissent le spectateur ».
Par contre, il y a une autre campagne encore
plus laide, pour Virgin radio, « restons frais ». Et là, même en
allant chercher Kant, il faut bien admettre que si cette campagne est laide,
c’est juste parce qu’elle est complètement ratée – et pas fraîche du tout..."
Sorti le 30 aout 2012.