mardi 20 août 2013

Le Dico sur le Mouv'

La diffusion continue jusqu'au premier septembre. On peut déjà réécouter de nombreuses définitions sur le site du Mouv' : http://www.lemouv.fr/evenement-le-dico-des-mots-qui-n-existent-pas

Quelques exemples :

lundi 19 août 2013

Best-selleuse

Best-selleuse  n.f.  Auteuse qui écrit des bouquins qui se vendent bien
 

Aimablement suggéré par un lecteur qu'on remercie bien bas, le mot best-selleuse est intéressant à plus d'un titre. Il réunit en effet à lui seul plusieurs attributs classiquement isolés du néologisme moderne.
 
C'est d'abord un anglicisme, francisé à l'instar de mots comme forwarder, checker ou lowcostisation par adjonction d'un suffixe bien franchouillard. Comme le féminisme vocabulistique est à la mode, on a également rajouté un e à la fin, comme dans auteure ou professeure. On notera, de manière intéressante, que si l'auteur s'est féminisé en auteure, la best-selleuse ne semble pas, pour le moment, avoir son pendant masculin best-selleur. N'en concluons pas pour autant qu'il n'y aurait que des femmes pour écrire des livres qui se vendent bien. Marc Lévy, Guillaume Musso ou encore Dan Brown sont malheureusement là pour nous le rappeler. Car ne nous méprenons pas. Si la best-selleuse écrit des bouquins qui se vendent, le mot best-seller désigne quant à lui exclusivement les ouvrages en  question, d'après le Robert. Si ces livres sont écrits par un homme on parlera d'un écrivain à succès, pas d'un best-selleur.
 
Best-selleuse n'est donc pas uniquement une féminisation d'anglicisme francisé par adjonction de suffixe, c'est également une habile métonymie, comme grenelle. Le mot donne une impression mitigée, il semble mi-péjoratif, mi-affectueux, dans la plupart de ses emplois. Du moins dans ses emplois récents, car si la paternité en revient, comme une rapide googlisation le laisse supposer, à Pierre Marcelle qui l'utilisait pour parler de Katherine Pancol dans un article de 1998, le côté affectueux semblait alors nettement moins marqué que le côté péjoratif : " [...] écrit avec des pieds [...] vain bavardage [...] exploite jusqu'à la corde les procédés du feuilleton à six sous appelé à faire pleurer Margot [...] vous pouvez rallumer la télé ­ c'est moins long et c'est moins cher [...] ". Bref, ça balançait sévère.
 

mardi 2 juillet 2013

Le Dico à la radio !

Ces dernières semaines, nous avons amoureusement remodelé et ciselé tout plein de définitions du Dico des mots qui n'existent pas, sur lesquelles Gilles a plaqué sa suave et malicieuse voix.

 
Le résultat est diffusé pendant tout l'été sur le Mouv', et on peut aussi le réécouter sur le site web de la radio : http://www.lemouv.fr/evenement-le-dico-des-mots-qui-n-existent-pas.
 
Pour la première livraison : "Re", "Aujourd'aujourd'hui", "Capillotracter", "Célibattante", "Consom'acteur" et "Dabiste".

lundi 17 juin 2013

Bobber

Le verbe bobber n'existe pas encore, d'autant plus qu'on l'utilise pour le moment assez peu. Mais il y a fort à parier que, sur ce dernier point, les choses devraient évoluer assez rapidement, du moins en Belgique.
 
Si les français savent à peine qui est Sam, celui qui, depuis 2005, peut raccompagner en voiture ses amis ivres morts étant donné qu'il n'a pas bu, les belges connaissent en revanche fort bien son grand frère Bob (ou sa jumelle Bobette) qui se charge sobrement de ramener à bon port ceux qui ont un peu trop forcé sur la Jupiler (parce qu'on ne fait pas guinze avec des bières spéciales) aux soirées chapiteau. Considérant toutefois que le succès de la campagne de Bob commence à s'essouffler quelque peu, l'Institut Belge de la Sécurité Routière a décidé récemment de lui redonner un petit coup de jeune en incitant les fêtards à bobber. Bobber, c'est penser dès le début de la soirée à désigner celui qui tournera au jus d'orange plutôt que d'attendre le troisième ou le quatrième verre pour se demander qui est le moins saoul et ferait bien d'arrêter là.
 
On peut se demander pourquoi bobber plutôt que bober.  Quelle est l'origine de ce superfétatoire dédoublement du B central ? La plupart des verbes courants se terminant en -ober ne prennent en effet qu'un unique B : dérober, englober, gober, lober, snober... Alors pourquoi ?
 
Un bobber est une moto qu'on a nettoyée d'un certain nombre de ses accessoires dans un souci d'esthétique minimaliste. Un genre de tuning inversé. C'est intéressant, mais on ne voit pas pourquoi l'IBSR aurait décidé dans son élan néologisateur de rendre hommage aux motocyclistes ascètes par ce B surnuméraire. On doit donc être tenté de penser que l'intention est d'éviter une possible confusion avec un éventuel verbe bober qui, lui ne prendrait qu'un unique et suffisant B. Point de trace pourtant dans le Robert, ni même dans le Littré, d'un tel verbe. Ce qui s'en rapproche le plus est chez celui-là le bobard et chez celui-ci la bobèche. On tient peut-être là un début d'explication, "bobèche" désignant chez Littré un niais ou un sot (ou, de nos jours, sans doute, un bolosse, mais de bolosse il n'y avait point à l'époque de Littré).  Si l'on fouille chez Godefroy, un autre lexicographe contemporain de Littré, on trouve tout de même trace du fameux verbe bober. Avec un seul B. Il signifie "tromper", "se jouer de". Le chef du service "néologismes" de l'IBSR ne devait sans doute pas l'ignorer, et ne souhaitait probablement pas que l'on put traiter un Bob de bolosse, et encore moins qu'on le put suspecter de duperie. Semble-t-il. C'est pourquoi, manifestement, il décida de doubler le B de bobber. Ou alors il a trouvé que c'était plus joli.

samedi 1 juin 2013

Le Dico à Rouen

Rencontre le samedi 8 juin, à partir de 15h30, à la libraire l'Armitière à Rouen.


Venez nombreux, entre deux visites de bateaux à l'Armada !

mercredi 29 mai 2013

Sexto

Sexto  n. m.  de "texto" : bref message écrit entre téléphones portables (Le Robert) et de "sexe" : sexe ; poulet* aux hormones.
 
Ce matin sur Le Mouv', alors que Thibaut de Saint Maurice évoquait les nouveaux mots du Robert à grand renfort de Benveniste et d'Aristote, Amaëlle Guiton se déclarait déçue que le mot sexto n'y ait pas fait son apparition. Qu'elle se rassure, le Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même est là pour combler le vide.
 
Un sexto est donc un SMS à caractère plus ou moins coquinou qu'on envoie à son(sa) che(è)r(e) et tendre(pas besoin de parenthèse ici, ouf) pour l'émoustiller un peu, un genre de billet doux numérique un peu osé, qui grâce à la 3G, à la 4G ou bientôt à la 5G, va savoir, peut même être enrichi d'une photo voire d'une vidéo. On ne mettra jamais assez en garde les gens contre l'utilisation irréfléchie du sexto, qu'il vaut mieux éviter d'envoyer à des gens à qui l'on n'est pas absolument certain de pouvoir faire confiance ad vitam aeternam, car parfois l'indélicatesse de certains peut déclencher des rumeurs dont on se passerait volontiers, voire pire. Après, vous faites bien comme vous voulez, hein...
 
* Poulet : Billet de galanterie (Le Littré)

mardi 28 mai 2013

Les nouveaux mots de Robert


C'est aujourd'aujourd'hui même que Le Robert et Alain Rey ont fait savoir quels étaient les nouveaux mots qui auraient l'honneur d'exister dès la parution de la nouvelle édition du Robert 2014. Pour le Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même, le constat est sans appel : certains de nos mots devront être sortis d'une éventuelle prochaine édition, puisqu'ils ont été retenus dans cette dernière fournée. Cela n'a rien de surprenant, car ainsi que nous l'annoncions dans notre Dico, la validité de la présence d'un mot dans un tel ouvrage risque  d'être éphémère, car il est possible que son usage se répandant de plus en plus, il finisse par être considéré par les lexicographes officiels qui, pour peu que son étymologie soit un minimum convaincante, l’intégreront dans les dictionnaires des mots qui existent.
 
C'est ce qui est arrivé, notamment, à droit-de-l'hommiste ainsi qu'à conspirationniste. Notre lowcostisation a eu chaud, le Robert n'ayant retenu que low-cost, et Alain Rey a adoubé le verbe dédiaboliser là où nous avions préféré le substantif dédiabolisation. L'adjectif traçable faisait partie de notre short-list pour une actualisation, Alain Rey nous a devancé. Tant pis.
 
Quoi qu'il en soit, nous continuons notre quête inlassablement. N'hésitez pas à nous suggérer des mots, sur ce blog ou sur notre page Facebook.

je révise mon bac ou je regarde Roland-Garros?



Réviser ses examens ou regarder Roland-Garros: que faut-il faire?

La réponse de Platon dans la chronique philo façon de penser sur  le Mouv

mercredi 1 mai 2013

Panthéonisable

« Mais les panthéonisables, comme toujours, se bousculent au portillon. »  Le Monde, le 20/04/2013.

On est panthéonisable quand on est pressenti pour entrer au panthéon, de même qu’on est oscarisable quand on est pressenti pour recevoir un oscar. « Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège », s’écriait un Malraux inspiré en 1964 à l’occasion du transfert des cendres du résistant au Panthéon. Depuis lors, peu l’ont rejoint. Neuf à peine, dont Malraux lui-même 32 ans plus tard, et Alexandre Dumas, le dernier en date, en 2002.
On voit donc que, s’il y a sans doute plus de panthéonisables que de premier-ministrables, il y a moins de panthéonisés que de premiers ministres (le score pour la Cinquième République, à ce jour, n’est que de 10 à 19, autant parler de raclée), et on comprendra donc que si le lexicographe n’a pas encore jugé bon de s’encombrer d’une définition de premier-ministrable, on risque d’attendre encore un peu avant qu’il ne reconnaisse l’existence de l’adjectif panthéonisable. Ce qui est dommage, d’une part parce que quand on est panthéonisable, on le reste généralement assez longtemps, alors que quand on est premier-ministrable c’est souvent éphémère, et d’autre part parce que le mot revient assez bien à la mode en ce moment.
Oui, parce que Dumas, c’était en 2002, et ça commence à faire suffisamment long pour que l’on recommence à se demander s’il ne serait pas opportun de déplacer à nouveau un illustre cadavre ou deux pour leur rendre un hommage national. Les noms de Diderot et de Michelet circulent, ainsi que ceux de résistants comme Pierre Brossolette ou Stéphane Hessel qui pourraient tenir compagnie à Jean Moulin. Quelques femmes aussi sont panthéonisables, et certains voudraient rétablir une certaine parité là où pour le moment on n’en compte que 2 sur 71. Olympe de Gouges et Louise Michel semblent tenir la corde, mais George Sand et Madame du Châtelet reviennent du diable vauvert et pourraient créer la surprise.

mardi 16 avril 2013

Swag

Lorsque le Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même lui fut offert sur le plateau du Grand Journal, Nabilla a instantanément souhaité savoir si le mot swag y figurait. L'immense déception qu'elle afficha lorsqu'il lui fut répondu que non incite évidemment à combler la lacune.
Le mot swag se répand en effet manifestement assez rapidement aujourd'aujourd'hui, sans qu'on comprenne bien ce qu'il signifie. Ce qui semble certain, c'est que si l'on ne comprend pas le mot swag, on n'est pas cool. De manière corollaire, si l'on est suffisamment ringard pour continuer à utiliser le mot cool, on n'est définitivement pas swag.
On comprendra que dire qu'on est cool à l'époque du swag, c'est comme dire qu'on est chébran à l'époque où on doit être cablé (on se souviendra de la leçon de langage djeun's donnée à Yves Mourousi par François Miterrand, surtout si l'on est assez vieux pour préférer dire cool plutôt que swag). On comprendra surtout que ce mot ne sert pas à grand chose, sinon à signifier qu'on est de son temps.
Qui donc est swag ? En googlisant une recherche d'images sur le mot swag, il semble rapidement évident que Justin Bieber EST swag. D'où vient le mot swag ? Certains détracteurs du mot comme du style swag laissent entendre qu'il s'agirait de l'acronyme de Secretely We Are Gay, ce qui pourrait passer pour un tantinet homophobe. D'autres explications oiseuses pullulent sur le net, on ne s'en fera pas l'écho car elles n'apportent pas grand chose.
Pour comprendre le mot swag, mieux vaut en fait ouvrir son dictionnaire d'anglais ou son théâtre complet de Shakespeare dans le texte. Dans le Songe d'une nuit d'été, Acte III Scène I, Puck dit en effet :

What hempen home-spuns have we swaggering here,
So near the cradle of the fairy queen?
Qu'on trouve traduit par :
Quels sont ces rustiques personnages qui font ici les fanfarons,
Si près du lit de la reine des fées ?

Le dictionnaire confirme cette traduction, et le verbe to swagger signifie donc crâner, se donner un air important, se pavaner, bref se la pêter. Quand on se revendique swag, par conséquent, on reconnait être un rodomont et péter plus haut que son cul. Rien de bien reluisant, donc. Personnellement je préfère rester cool, même si c'est ringard.

lundi 15 avril 2013

Bashing

n.m. - 2003, de l'anglais "to bash", cogner, tabasser.

Lynchage médiatique. 


L'express titre "Monsieur faible" et Le Point demande: "Pépère est-il à la hauteur?" La mode est donc au "Hollande bashing" comme on dit, une expression peut-être inventée par Franz-Olivier Giesbert en septembre 2012 : "Contre Hollande, c'est un procès en immobilisme qui est instruit aujourd'hui par la presse, y compris par les journaux de gauche".  

Alors, pourquoi parler de "bashing", et pourquoi maintenant? 

Après tout, la presse n'a pas été plus tendre avec Nicolas Sarkozy, sans qu'on parle pour autant de "bashing" - alors qu'on aurait pu. D'ailleurs, comme le montre assez bien un pas mauvais article de Télérama, le lynchage ou la critique des politiques par les médias ne datent pas d'hier : Léon Blum a été la cible de la presse antisémite sous Vichy, et on peut sans doute remonter à la loi de 1881 sur la liberté d'expression - la même qui interdit d'afficher - pour trouver les origines du "bashing". En fait, on pourrait même remonter encore plus loin, avec les fameuses caricatures de Louis-Philippe en forme de poire (1838). 



Le terme paraît donc un peu inapproprié: d'abord, parce que l'anglicisme laisse croire à une nouveauté, alors qu'il s'agit d'une tradition bien française. Ensuite, parce que le "bashing" a quelque chose d'exagéré, d'excessif ou d'injuste, alors qu'après tout, c'est plutôt le jeu dans une démocratie ou existe une presse libre. Est-ce qu'on préfèrerait vivre en Corée du Nord, où les médias se contentent de relayer la propagande du parti unique?  

Alors, peut-être que la "bashing" se réfère plus ou moins à la presse anglo-saxonne, assez réputée pour ses
"tabloïd" qui n'ont jamais la dent assez dure pour taper sur tout ce qui bouge, manière de dénoncer les "dérives" de la presse "normale" qui tomberait un peu dans les insultes gratuites dans le seul but de vendre plus de numéros - ce qui n'est pas à exclure.

Peut-être, aussi, que cette "réactualisation" du mot pour désigner ce qui n'est après tout que la "satire politique", vient du monde des jeux vidéos, où l'on pratique le "monster bashing" qui consiste à tuer le maximum d'ennemi dans le minimum de temps - bref, de faire un "shout them up".

Mais bien sûr, le terme "bashing" vient plus certainement du douloureux "french bashing" de la presse américaine, quand la France avait refusé de suivre les Etats-Unis dans la guerre en Irak. Du coup, à partir de mars 2003, la France et les français s'en prenaient plein les dents pour avoir manqué de reconnaissance envers les GI's qui avaient libéré le pays en 1945. Avec un épisode fameux: les frites avaient été débaptisées "french fries" pour prendre le nom de "freedom fries" (les frites de la liberté). On notera d'ailleurs que les américains, si sensibles au parjure et aux mensonges lorsqu'il s'agit de la sexualité d'un Président au cours du "Monicagate", n'ont pas l'air de condamner des mensonges bien plus dangereux, comme celui de Colin Powel qui a menti sur l'histoire d'armes de destruction massive présentes en Irak, pour lancer une guerre. Manifestement, le "french bashing" a d'ailleurs été réveillé en 2011, quand la France s'est à l'inverse engagée dans la guerre en Libye.      

C'est donc en souvenir, ou plutôt, à cause du traumatisme du "french bashing" que le lynchage médiatique est désormais désigné par cet anglicisme. Alors, si on trouve injuste la manière dont nous traitent les américains, on peut effectivement se demander si le "bashing" en général, n'a pas toujours quelque chose d'excessif.    

vendredi 12 avril 2013

mercredi 10 avril 2013

Sursensationnalisation

"Dénonçant la "sur-sensationnalisation des incidents", alors qu'il y aurait selon elle peu de cas graves, elle met l'accent sur les efforts accrus en matière de protection." Le Nouvel Observateur, 31/03/2013.
 
Evidemment, quand on trouve le mot sur-sensationnalisation dans un article, on se dit instantanément qu'on a de bonnes chances d'être tombé sur un nouveau mot. Dans un cas comme celui-là, le premier réflexe est évidemment de googliser le mot pour voir si lui ou ceux de sa famille sont quand même utilisés ailleurs que dans l'article en question, puis on se rue sur ses dictionnaires pour vérifier s'il existe. Bingo. Il n'existe pas.
 
Alors la sursensationnalisation, on comprend bien d'où ça vient. Ca vient de la sensationnalisation, dérivée elle-même du verbe sensationnaliser, lui-même construit sur l'adjectif sensationnel issu du substantif sensation. Cela n'aurait pas grand sens de remonter plus loin à la source.
 
Que nous dit Littré sur cette famille lexicale ? Et bien Littré ne nous en dit pas grand chose. Tout au plus reconnaît-il, en toute fin d'entrée, un sens figuré à la sensation (produire une impression marquée dans le public), mais il ne fait ni dans le sensationnel ni dans le sensationnalisme, ne parlons donc pas de la sursensationnalisation. Vous me direz que Littré, ça va bien, mais que bon, ça date quand même du milieu du 19ème siècle, et que la langue a bien évolué depuis. Et vous aurez bien raison.
 
Cherchons donc plus près de nous. Le Robert 2009 donne bien la même définition, à peu de choses près, que Littré pour sensation, et ne parle même plus de sens figuré. Il référence également l'adjectif sensationnel (qui produit une vive impression) et le nom sensationnalisme. Mais c'est tout.
 
On devine cependant aisément ce que signifie le verbe sensationnaliser. Il s'agit de présenter un évènement de manière à le rendre sensationnel,  à augmenter son impact. A partir de là, la sensationnalisation prend tout son sens : c'est évidemment un processus volontaire et artificiel destiné à ce que cet évènement marque les esprits ou à provoquer un buzz. Sensationnaliser, c'est éxagérer, c'est "superlativer". Mais quand on en vient à parler de sursensationnalisation, c'est qu'on a déjà admis la sensationnalisation, qu'on la considère comme normale, et qu'on veut dénoncer quelque chose qui a poussé le bouchon un peu trop loin. Si on parle de sursensationnalisation, c'est qu'il est vraiment temps d'accepter que le mot sensationnalisation existe.
 
Ce qui est amusant, c'est que si Le Robert 2009 ne parle pas de sensationnalisation, il évoque tout de même encore l'adjectif "sensass", que presque plus personne n'utilise depuis qu'il a été définitivement ringardisé par une pub pour les sanibroyeurs il y a plus de vingt ans...
 

jeudi 4 avril 2013

Allô

Interj. - Nabilla, mars 2013:

"c'est à n'y rien comprendre". 

L'interjection "allo" ou "allô" apparaît bien évidemment dans le dictionnaire des mots qui existent (c'est-à-dire dans le dictionnaire), où elle est définie comme "servant d'appel dans les communications téléphoniques." Autant dire que ce mot sert à établir la communication, le contact, le lien entre deux individus. 

Mais manifestement, la sus-nommée "Nabilla" ne l'utilise pas en ce sens. Bien sûr, ses gestes miment l'usage d'un téléphone, mais dans sa bouche, l'interjection "allô" semble bien plutôt exprimer l'incompréhension. Ainsi, le mot finit par avoir le sens contraire de son sens habituel - si tant est qu'il ait un sens. Il désigne plutôt une rupture de la communication. 

Après, on dira peut-être que le fameux "allô", tout comme la suite de cette intervention n'ont de toute façon aucun sens: "t'es une fille et t'as pas de shampoing", ne voulant à peu près rien dire. Mais dans les années 1990, Kate Moss n'avait-elle pas dit: "je déclare la guerre aux cheveux cassants et aux pointes sèches"? Et pourtant, personne ne lui en avait tenu rigueur. 

Pourquoi donc considérer qu'Arthur Rimbaud serait poète quand il invente le mot "abracadabrantesque", alors que Nabilla ne serait qu'une écervelée quand elle réinvente la signification du mot "allô"? Et pourquoi pas...    


samedi 30 mars 2013

Le DICO de ce qui n'a PAS de NOM

C'est une auteure aimable (et admirable), croisée au salon du livre qui a suggéré cette idée en apercevant le Dico des mots qui n'existent pas (et qu'on utilise quand même) : "il faudrait faire un dictionnaire de ce qu'on ne peut pas nommer ou de ce qui n'a pas de nom". L'inverse du dico des mots qui n'existent pas, en somme, qui n'est rien d'autre que le dictionnaire des noms qui n'ont pas de définition. Et quand on parle de "ce qu'on ne peut pas nommer", on ne pense pas à Voldemort, dont on ne doit pas prononcer le nom, parce que c'est mal. Là, il s'agira plutôt de choses qui existent, mais qui n'ont pas de nom. Notre auteure pensait plutôt à des phénomènes paranormaux, du genre: retour de NDE ou EPM (Near Die Experience ou Expérience Proche de la Mort). Comment nommer, effectivement, des phénomènes à peine réels, qui n'ont pas de noms pour la bonne raison qu'il est assez rare de les observer, comme les esprits, les fantômes, les revenants, etc. - "I see dead people". 

Mais finalement, au-delà des phénomènes paranormaux, il y a beaucoup de phénomènes normaux dont on n'a pas le nom; des expériences que tout le monde a vécues, des choses que tout le monde connaît, et pourtant, qu'on n'arrive pas à nommer, parce qu'il n'y a pas de mot pour les désigner. C'est ce qu'on essaiera de faire.
à suivre...      

mardi 19 mars 2013

Bougez avec La Poste !

Bonjour Madame Z.,

J'accuse ici bonne réception de votre lettre du 18 mars m'informant qu'un colis est à ma disposition à l'agence Coliposte de L., où je me ferai une joie de me rendre ce vendredi 22 mars (il m'est impossible d'y aller avant) afin d'en prendre livraison. Je vous prie donc de bien vouloir le conserver précieusement d'ici là, et vous en remercie par avance.

Il me semble toutefois opportun de porter à votre connaissance l'incompréhension qui me taraude à la lecture de ce courrier...

Il y est en effet indiqué que mon numéro d'appartement ne figure pas sur le colis. C'est bien regrettable, il m'est effectivement arrivé à plusieurs reprises d'avoir des problèmes de livraison de courrier à cause de ce détail, et je vous prie de croire que je fais de mon mieux pour porter à la connaissance de mes correspondants l'importance de cette mention. Las, il peut arriver d'une part que certains l'oublient, et je conviens que ces scélérats devraient être châtiés de leur négligence, d'autre part que je reçoive du courrier ou des colis de correspondants inattendus qui n'auraient pas connaissance de ce problème et ne peuvent donc guère être tenus pour responsables, et je dois avouer qu'il me semble fort regrettable, à cet égard, que les personnels de La Poste ne prennent pas toujours soin en ces rares occasions d'approfondir, ô, très légèrement, leurs recherches afin de trouver mon nom pourtant bien clairement indiqué sur ma boîte à lettres, ainsi que vous me le conseillez judicieusement.

Ce qui est surprenant, c'est que bien que vous me précisiez que vos efforts n'ont pas permis de me localiser, vous m'avez cependant, avec les maigres renseignements dont vous disposiez (mon nom et mon adresse, donc...), expédié une lettre à la même adresse lacunaire (je vous excuserai à ce sujet bien volontiers de m'appeler Mademoiselle plutôt que Monsieur, tant il est vrai qu'Olivier est un prénom fort peu répandu et tout à fait équivoque quant au genre de son porteur), qui, elle, m'est parvenue dans un délai bien raisonnable de 24 heures à peine. Vous conviendrez avec moi que l'incohérence peut sembler cocasse, et qu'il est bien regrettable que mon colis n'ait pas été confié à la sagacité du facteur qui m'a délivré cette lettre plutôt qu'à celle, plus douteuse je le crains, de celui qui a concentré tous ses efforts en vue de tenter de me remettre le colis dont il est question.

Sans doute est-ce là le résultat d'une intéressante stratégie de compartimentation des compétences au sein des services de La Poste, stratégie assurément destinée à améliorer constamment la qualité et l'efficacité du service rendu aux usagers. Je ne peux que me féliciter de cette stratégie qui porte indéniablement ses fruits, en ceci qu'elle va me contraindre, pour prendre livraison de ce colis, à effectuer un déplacement dont, très honnêtement, j'aurais préféré avoir à me passer.

Il fut un temps, pas si lointain, où des courriers adressés à un mien ami qui résidait dans une rue nommée Chasselièvre lui parvenaient dans des délais normaux même quand l'expéditeur poussait la facétie (ou l'imprécision) jusqu'à écrire Lapin Chasseur en lieu et place du vrai nom de la rue, voire même à oublier le numéro exact. Nul doute que si le colis dont il est question m'avait été expédié à cette époque, j'aurais déjà pu être en train de prendre connaissance de son contenu, plutôt que de perdre mon temps à rédiger ce courriel.


Bien cordialement,


Olivier Talon
 
Ce qui explique pourquoi je n'ai toujours pas reçu mes exemplaires du Dico...

mercredi 27 février 2013

Yaourter


Il fallait bien que ça arrive. Le dictionnaire est parti chez l'imprimeur, on n'y peut plus rien changer, reste, entre autres, le petit regret de n'avoir pas trouvé de mot commençant par la lettre Y, et là, comme une évidence, un tweet s'affiche sur le téléviseur pendant la finale de la Nouvelle Star : "Dis-donc, Sophie-Tith, t'es sûre qu'on a le droit de yaourter sur Dieu ???". Mauvais timing, trop tard.
 
Sophie-Tith a donc chanté en yaourt sur Life on Mars de David Bowie (Dieu, donc, d'après le gars qui a twitté). Chanter en yaourt... une expression a priori née à l'époque des yé-yé, qui chantaient parfois dans des sonorités évoquant approximativement l'anglais sans en être vraiment, une expression surtout qui fleure bon les bandes dessinées de Margerin ou de Dodo & Ben Radis (comme en atteste l'illustration ci-dessus, extraite de l'album Ricky VII publié par Frank Margerin en 1984).
 
Mais le verbe yaourter, dérivé de cette expression et qui indéniablement n'existe pas, est-il bien un mot qu'on utilise quand même ? En le googlisant, on se rend bien compte qu'en fait, pas tellement, même si on le trouve tout de même en de rares occasions utilisé dans ce contexte, comme par exemple ici ou . Un mot à surveiller, donc, au cas où l'émission d'hier soir contribuerait à propulser sa popularité vers des niveaux supérieurs. On notera que, si personne ne sait vraiment s'il faut écrire yaourt, yahourt ou yoghourt, les graphies alternatives du verbe yaourter que seraient yahourter ou yoghourter sont considérablement moins répandues.
 
On observera enfin qu'on rencontre un peu plus fréquemment le verbe yaourter dans une acception radicalement différente qu'on pourrait traduire par "utiliser fréquemment sa yaourtière".

mardi 26 février 2013

Alain Rey ne zlatanera pas... nous oui !

C'est l'information linguistique de la journée, le verbe zlataner ne rentrera pas dans l'édition 2014 du Petit Robert qui paraitra en juin. Alain Rey s'en explique en émettant l'hypothèse que le mot ne soit qu'un effet de mode et préfère le laisser sous surveillance. Zlataner demeure donc un mot qui n'existe pas, bien qu'on l'utilise quand même.
  

Ce qui tombe bien, puisque, justement, il figure dans le Dico des mots qui n'existent pas (et qu'on utilise quand même), en librairie dès le 28 mars prochain.


 Plus de détails à suivre, mais on peut déjà annoncer que Gilles (mais pas moi) le dédicacera au Salon du Livre de Paris le 23 mars, stand de Radio France (K9).

dimanche 13 janvier 2013



« Peut-on rire de tout ? La question revient souvent dès que les humoristes ou caricaturistes s’attaquent à des sujets dits “sensibles”, comme la religion, la maladie, etc. Les uns considèrent qu’il faudrait imposer des limites à l’humour au nom de la morale et même, au nom de la loi. Les autres mettent en avant la sacro-sainte liberté d’expression. Et pour trancher, on a l’habitude de citer Desproges : “On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde.”

C’est sans doute qu’on considère toujours que le rire consiste à se moquer. Mais ne rit-on que des choses ridicules ? Le rire n’est-il pas sérieux ? Au fond, quels sentiments s’expriment dans le rire ? Pour savoir si on peut rire de tout, il faudrait donc commencer par se demander : qu’est-ce que le rire ? »


Sorti le 10 janvier dans toutes les (bonnes) librairies.