mercredi 10 avril 2013

Sursensationnalisation

"Dénonçant la "sur-sensationnalisation des incidents", alors qu'il y aurait selon elle peu de cas graves, elle met l'accent sur les efforts accrus en matière de protection." Le Nouvel Observateur, 31/03/2013.
 
Evidemment, quand on trouve le mot sur-sensationnalisation dans un article, on se dit instantanément qu'on a de bonnes chances d'être tombé sur un nouveau mot. Dans un cas comme celui-là, le premier réflexe est évidemment de googliser le mot pour voir si lui ou ceux de sa famille sont quand même utilisés ailleurs que dans l'article en question, puis on se rue sur ses dictionnaires pour vérifier s'il existe. Bingo. Il n'existe pas.
 
Alors la sursensationnalisation, on comprend bien d'où ça vient. Ca vient de la sensationnalisation, dérivée elle-même du verbe sensationnaliser, lui-même construit sur l'adjectif sensationnel issu du substantif sensation. Cela n'aurait pas grand sens de remonter plus loin à la source.
 
Que nous dit Littré sur cette famille lexicale ? Et bien Littré ne nous en dit pas grand chose. Tout au plus reconnaît-il, en toute fin d'entrée, un sens figuré à la sensation (produire une impression marquée dans le public), mais il ne fait ni dans le sensationnel ni dans le sensationnalisme, ne parlons donc pas de la sursensationnalisation. Vous me direz que Littré, ça va bien, mais que bon, ça date quand même du milieu du 19ème siècle, et que la langue a bien évolué depuis. Et vous aurez bien raison.
 
Cherchons donc plus près de nous. Le Robert 2009 donne bien la même définition, à peu de choses près, que Littré pour sensation, et ne parle même plus de sens figuré. Il référence également l'adjectif sensationnel (qui produit une vive impression) et le nom sensationnalisme. Mais c'est tout.
 
On devine cependant aisément ce que signifie le verbe sensationnaliser. Il s'agit de présenter un évènement de manière à le rendre sensationnel,  à augmenter son impact. A partir de là, la sensationnalisation prend tout son sens : c'est évidemment un processus volontaire et artificiel destiné à ce que cet évènement marque les esprits ou à provoquer un buzz. Sensationnaliser, c'est éxagérer, c'est "superlativer". Mais quand on en vient à parler de sursensationnalisation, c'est qu'on a déjà admis la sensationnalisation, qu'on la considère comme normale, et qu'on veut dénoncer quelque chose qui a poussé le bouchon un peu trop loin. Si on parle de sursensationnalisation, c'est qu'il est vraiment temps d'accepter que le mot sensationnalisation existe.
 
Ce qui est amusant, c'est que si Le Robert 2009 ne parle pas de sensationnalisation, il évoque tout de même encore l'adjectif "sensass", que presque plus personne n'utilise depuis qu'il a été définitivement ringardisé par une pub pour les sanibroyeurs il y a plus de vingt ans...
 

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